Dvar Torah du rabbin Sebbag – Pourim 5783

La protection de Dieu dans ce monde apparemment « aléatoire »

La Méguilat Esther introduit l’histoire de Pourim en déclarant : « C’était à l’époque d’Assuérus- c’est Ahachvéroch qui a régné de l’Inde jusqu’en Éthiopie… ».  Commentant la redondance apparente de ce verset (« d’Assuérus- c’est Assuérus »), le Midrash (Esther Rabba 1:1) explique que la répétition sert à souligner le comportement auto-contradictoire du roi.  Au début de l’histoire racontée dans la Méguila, Assuérus a tué sa reine sur l’ordre de son confident de confiance, mais vers la fin de l’histoire, il a tué son confident de confiance sur l’ordre de sa reine.  Il a obéi au conseil de Memoukhan de faire exécuter Vachti pour avoir refusé son ordre de se présenter devant les hommes à son festin, mais plus tard, il a ordonné l’exécution d’Haman à la demande de la reine Ester.  Et c’est ainsi que la Meguilla commence :  » C’était à l’époque d’ Assuérus – voici Assuérus « , soulignant que le même roi Assuérus qui a tué sa femme à la demande de son conseiller, a ensuite tué son conseiller à la demande de sa femme.

Le Rav Moshé Alchékh explique que le Midrash cherche ici à dissiper l’idée fausse selon laquelle le salut des Juifs ne serait pas le résultat d’un miracle.  On aurait pu dire que Assuérus a naturellement tué Haman et autorisé les Juifs à se défendre en raison de son grand amour pour sa reine, qui était une Juive.  Il ne s’agissait pas d’un miracle, aurait-on conclu, mais simplement de l’effet de l’amour et de l’affection naturels pour sa reine, belle, gracieuse et gentille.  Le Midrash attire donc notre attention sur le fait qu’Assuérus avait auparavant fait exactement le contraire, se rangeant à la recommandation de son conseiller de faire tuer sa reine.  Il était loin d’être évident qu’ Assuérus choisirait la reine Ester plutôt qu’Haman, et cette décision doit donc être reconnue et célébrée comme le grand miracle qu’elle fut.

De manière plus générale, nous pourrions suggérer que le Midrash souligne ici l’un des thèmes principaux de l’histoire de Pourim – l’imprévisibilité et le hasard.  Tout au long de la Méguila, des questions de vie et de mort – et même l’extermination possible d’un peuple entier – dépendent des caprices arbitraires d’un roi erratique et impulsif.  Lorsqu’Esther s’est approchée du roi après avoir entendu l’édit d’Haman, le sort de la nation juive dépendait uniquement de la réaction instinctive du roi en la voyant, s’il était irrité qu’elle s’approche de lui sans avoir été convoquée ou s’il serait enchanté par sa grâce et sa beauté.  L’impulsivité et l’imprévisibilité d’ Assuérus sont manifestes dans les manières opposées dont il a traité Vachti et Esther – exécutant Vachti pour plaire à son conseiller, et exécutant son conseiller pour plaire à Esther. À chaque fois, il a pris, sur un coup de tête, une décision radicale aux implications considérables.

La centralité de ce thème dans l’histoire de Pourim se retrouve dans le nom même de « Pourim » qui, comme le raconte la Méguila elle-même (9:26), commémore le « Pour » – le tirage au sort effectué par Haman pour décider du jour de l’éradication des Juifs.  Beaucoup ont expliqué qu’une loterie incarne la notion de hasard et d’imprévisibilité.  Le mot « Pourim » évoque la vulnérabilité, la façon dont notre bien-être et même notre vie dépendent de facteurs apparemment aléatoires qui échappent à notre contrôle.  La célébration festive de ce jour exprime notre conviction que, malgré l’apparence de hasard, en vérité, tout ce qui se passe est précisément orchestré par le Tout-Puissant, sous la protection duquel nous vivons à chaque instant.  La prise de conscience de notre fragilité ne doit pas nous conduire à la peur, mais plutôt à une plus grande appréciation de la grâce et de la bonté de Dieu, et à une plus grande confiance en elles.

Ce thème de la célébration de Pourim peut peut-être nous éclairer sur l’obligation de boire du vin à Pourim jusqu’à l’ivresse (légère).  La Guemara (Méguila 7b) affirme que « Une personne est obligée de s’enivrer à Pourim jusqu’à ce qu’elle ne sache plus faire la différence entre ‘maudit soit Haman’ et ‘béni soit Mordekhai' ».  Lorsque nous sommes en état d’ébriété, et que notre jugement est altéré, nous ne pouvons pas facilement prendre des décisions rationnelles et calculées.  Nous agissons par impulsion, plutôt qu’après avoir soigneusement décidé comment nous comporter.  Un ivrogne livre essentiellement sa vie au hasard, car il est incapable de prendre soin de lui-même.  L’ivresse à Pourim peut donc servir à souligner la notion d’aléatoire et de hasard, comment même lorsque nous agissons sans réfléchir, sur une impulsion, incapables de déterminer la bonne (« béni soit Mordekhai ») et la mauvaise (« maudit soit Haman ») chose à faire, nous avons confiance en la protection et l’aide de Dieu.  Comme le roi David l’a dit de lui-même : « Même si je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car Tu es avec moi » (Tehillim 23:4).  Même lorsque nous nous sentons « ivres », incapables de prendre soin de nous et de nous protéger dans ce monde imprévisible, nous devrions nous sentir en sécurité, sachant que nous sommes sous la protection de Dieu.  Ainsi, à Pourim, lorsque nous célébrons notre foi en la protection de Dieu dans ce monde apparemment « aléatoire », nous buvons jusqu’à l’ivresse, désactivant nos facultés rationnelles, exprimant notre ferme conviction que D.ieu prend soin de nous lorsque nous sommes incapables de prendre soin de nous-mêmes.

Chabbat Chalom et Pourim Saméa’h

Rabbin Moshé Sebbag

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